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Que faisais-tu là
Belle Paule
si loin de la Garonne
Ce n’était qu’une image de toi sur un mur de pierre
une image du temps
où tu étais l’émerveilleuse
Que faisais-tu là
dans ce pays de briques rouges avec ses moulins accroupis
à l’arrière des étangs
Avec le vent de mer
qui le soir fait trembler
les feuilles des peupliers
dans le battement des siècles

Dans cette chambre
aux murs tapissés de sable fin s’éteignent les fleurs de lys
On dirait des méduses
échouées sur une plage
Le temps a fané les ors
érodé les contours et les pointes
ne reste plus qu’un liseré de turquoise une frange luminescente
que les grandes marées d’équinoxe délaveront infiniment
jusqu’à la cendre

C’est une ville de cheminées
de tourelles et de toits pointus
Y logent les blondes tourterelles
et les tribus des choucas
Dans le ciel haut comme une falaise on entend parfois gueuler
et l’on voit parfois passer
les oies et les bernaches
elles traînent derrière elles
l’hiver et ses jours de longue nuit

Dans les tentures
qui bordent ta couche
se cachent les oiseaux
et leurs ailes de lumière
Les entends-tu dans cette nuit les oiseaux du lointain
leurs voix ensoleillées
leurs chants de canne à sucre et de fruits trop mû
rs
Au ciel de ton lit
quand vient le dernier jour
ils sont là à pleurer
leur î
le naufragée

Par la porte dérobée
se glissaient les amants
les amours les fidèles
et les autres qui sont comme
des roseaux que le vent agite
Ceux d’une nuit aveugle
ou ceux de toute la vie
Par la porte dérobée
ils rejoignaient les bois
et le peuple des sangliers
Au creux de leur poing
encore un peu de la brume
de ces yeux châtains
C’est une porte refermée maintenant sur celle qui toujours attend

et l’on murmure ici
à ceux qui sont partis
les yeux grands ouverts les mains glacées
les lèvres rongées déjà
et les chairs blessées
Les os fatigués
et leurs rêves troués
ni les étreintes dernières ni baisers ni prières
rien ne sut les retenir
Les cœurs ne battent plus dans les lits de craie

Antoine Maine