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LISBOA. Qui vivra verra.LISBOA. Qui verra vivra

Lisboa, ça a combien de toits, de chats, d’amoureux, d’aveugles, de trains, de voleurs, de promeneurs, de malheureux ?

Un toit, ça a combien de chats, de lunes, d’antennes télé ?

Toi, l’œil à la camera obscura, comme dans le jeu« tu brûles, tu brûles » au cœur de l’Autre. C’est l’été, et la vie bat, la ville en toi, et toi tu bats la campagne, à la ville, dans le tram, vers le haut le bas de Lisboa. Largo de gracia.

J’entends les bruissements de ton silence attentif, de ton œil à l’écoute.

Un credo, ne prendre en photo qu’une seule chose à la fois. Elaguer l’arbre de vie, c’est un travail, une ascèse, un exercice.

Comment prendre en photographie l’invisible ?

Absences des présents. Présence des absents. Les pauses, les pendant ce temps, les interstices, là, maintenant et toujours, le présent, l’éternel, l’ici-bas, là-bas. La rondeur du temps. Pas la fuite en avant.

Apprendre à voir l’extraordinaire de l’ordinaire, l’émotion, les tremblements.

Tu es mu- pas muet- ému, et l’image parfois se trouble.

Tes pas suivent ce que tu vois, ce que tu aimes, ce que tu cherches, ce que tu te cherches, qui tu es, qui est l’autre. Les images pour se souvenir de la beauté si fragile et menacée, photographier pour témoigner de la Beauté-Bonté !

Toi, aux mille reflets : couple amoureux, chien, marin fantôme, pensées vagabondes sur les bancs, illusions, percée de lumière et d’ombre terrestres, subaquatiques et célestes …

Seul et ne faire qu’un avec le monde.

Photos sans air du temps. Inventaire hors du temps.

Ce n’est pas à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit que tu recueilles les rêves réels d’une ville. Il faut une autre lumière, aube ou crépuscule de préférence. Jamais le plein soleil, ni le ciel trop bleu, trop toujours pareils.

Des nuages tamis, des nuages amis, pour révéler le monde, le monde selon toi.

Douceur du noir et blanc : le Gris. Pas le grisâtre, ni la fadeur. Nuances.

La vraie couleur est ailleurs.

A quel moment prend-on l’autre dans ses bras, le sert-on si fort, pour lui dire, sans les mots, je t’aime ?

A quel moment déclencher ?

Et les photos que tu n’as pas pu prendre ,

D’elles peut-être naît le désir de toujours photographier.

Les photos, les amours perdues, qui nous ont perdu. Abandon.

-Je peine à t’aimer, dit la lune au marin qui s’en va. Je peine à t’aimer quand tu ne me regardes plus comme avant. 

Les mots que l’on a pas su prononcer. Tout ce qu’on tait, et qu’un jour peut-être on crie, ou crée ; respiration vitale, renaissance.

Adieux ou aux revoirs .

La prochaine fois, on fera peut-être mieux… on fera autrement…

Attendre sans attendre, pas à pas, mater dolorosa, ventilateur, attendre le retour des battements du cœur.

Après, ou avant puisqu’Ici bas, tout n’est que recommencement, vient la photo de la lettre M.

M dépoussière.

M majuscule

Aurélie Teissèdre

 

 

 

Rencontre avec le pianiste Jean-Marie Machado qui me fait part de son projet de création d’un Oratorio profane en Hommage à Fernando Pessoa et de son souhait de voir projeter en fond de scène des images de Lisbonne, ville du poète.

Carte blanche : 1 mois de déambulations dans la ville blanche avec pour guide le « livre de l’intranquillité » pour rêver, sentir, voir, chercher…

 

Création et exposition au théâtre National de Foix en Ariège
Tournée Européenne du spectacle
Projection mois off Arles
Présentation agence Vu… je passe à un fil de rentrer à l’agence !

 

«Si après ma mort, vous voulez écrire ma biographie, rien de plus simple. Elle n’a que deux

dates – celle de ma venue au monde et celle de ma mort. Entre une chose et l’autre tous les

jours sont à moi. Je suis facile à définir. j’ai vu comme un damné. J’ai aimé les choses sans

la moindre sentimentalité. Je n’ai jamais eu de désir que je ne puisse réaliser, parce que je n’ai jamais perdu la vue.

Même entendre n’a jamais été pour moi qu’un accompagnement de voir.

J’ai compris que les choses sont réelles et toutes différents les unes avec les autres ;

J’ai compris ça avec les yeux, jamais avec la pensée.

Comprendre ça avec la pensée serait les trouver toutes semblables.

Un jour le sommeil m’a pris comme n’importe quel enfant. j’ai fermé les yeux et

me suis endormi.

A part ça, j’ai été l’unique poète de la nature»

 

Fernando Pessoa   Le livre de l’intranquillité