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La Pesanteur et la Grâce

“ Benjamin Teissèdre, vos photographies irradient de calme solitude et de silence respirant. Je les ai contemplées deux fois de suite et à chaque fois quelque chose de précieux m’était donné, une vue hors temps. Quand on s’écorche un doigt ou un genou, il en sort une gouttelette de sang rouge, semblable au sang dans les contes où il est question d’un charme.

Vos images ouvrent dans le songe une petite entaille semblable, par où sort une goutte d’or fin. Vous êtes photographe comme d’autres sont écrivains ou vagabonds : depuis toujours.

Je sais bien que c’est dur de se faire entendre. Par un mélange de patience et d’entêtement vous parviendrez, j’en suis sûr, à être vu, et donc à être aimé, car il est impossible de regarder votre travail sans aussitôt l’aimer”

 

Christian BOBIN


« L’art nous est donné pour nous empêcher de mourir de la vérité. »

Nietzsche

 

 

À la fois attentif et légèrement en retrait de ses sujets, à la recherche de ce qui se cache derrière l’évidence des choses Benjamin Teissèdre cultive le goût de la contemplation, invitant souvent la nuit et le flou à envelopper ses images oniriques et atemporelles. Les couleurs monochromes, les contrastes sourds et les noirs profonds contribuent à sa signature visuelle.

Dans son monde poétique vous croiserez des chiens errants, des femmes-solitude, des nus perdus,  des chevaliers éperdus, des failles, des routes pavées de tremblements, des dieux délavés, des cheveux de la mer, chevaux de l’amer, des bestiaires étoilés, des absences, des paradis perdants, des ombres de Vincent, des pierres de rêve, de vies d’instants fragiles … dont l’artiste signifie qu’ils participent chacun à leur infime échelle à la beauté d’un monde immense.

 

 

Plus la force de poser les couleurs, reste alors ce léger tremblement…

Photographe engagé. Engagé dans la lenteur, la contemplation et la beauté des choses …

Résistance poétique.

Ne voir qu’une seule chose à la fois, dans l’ordinaire des jours, souvent entre chien et loup, en passant…en France… au coin de la rue où à 1000 Kms d’ici.

Pas de titres, de dates, de lieux. Images atemporelles…

 

Je n’ai jamais photographié que pour dire je t’aime… à elle, L’inespéréé

« Je chante pour passer le temps
Petit qu’il me reste de vivre
Comme on dessine sur le givre
Comme on se fait le cœur content
A lancer cailloux sur l’étang
Je chante pour passer le temps
J’ai vécu le jour des merveilles
Vous et moi souvenez-vous-en
Et j’ai franchi le mur des ans
Des miracles plein les oreilles
Notre univers n’est plus pareil
J’ai vécu le jour des merveilles
Allons que ces doigts se dénouent
Comme le front d’avec la gloire
Nos yeux furent premiers à voir
Les nuages plus bas que nous
Et l’alouette à nos genoux
Allons que ces doigts se dénouent
Nous avons fait des clairs de lune
Pour nos palais et nos statues
Qu’importe à présent qu’on nous tue
Les nuits tomberont une à une
La Chine s’est mise en Commune
Nous avons fait des clairs de lune
Et j’en dirais et j’en dirais
Tant fut cette vie aventure
Où l’homme a pris grandeur nature
Sa voix par-dessus les forêts
Les monts les mers et les secrets
Et j’en dirais et j’en dirais
Oui pour passer le temps je chante
Au violon s’use l’archet
La pierre au jeu des ricochets
Et que mon amour est touchante
Près de moi dans l’ombre penchante
Oui pour passer le temps je chante
Je chante pour passer le temps
Oui pour passer le temps je chante »

 

Louis ARAGON – « Le Roman inachevé »